Après tout Oacoub a raison, ça mérite bien un petit CR... Que je ferai dans cette rubrique, même si convenons-en, on ne participe pas tous les jours à un championnat du monde.
Ma persévérance en compétitions nationales m'a donc valu d'être sélectionné par AIDA France en équipe nationale, dans la discipline du poids constant sans palme (pour que ce soit bien clair : descente et remontée à la brasse, sans équipement ni traction au câble officiel, avec un lest identique à la montée et à la descente). Aussi hallucinant que cela puisse paraître, le record du monde de la discipline, détenu par William Trubridge, est à ce jour de -101m... Autant dire qu'avec ma perf' qualificative de -45m, je n'y allais pas vraiment pour jouer les têtes d'affiche. Qu'importe, la joie d'avoir été choisi pour y participer, même à mes frais, vaut bien toutes les médailles et tous les titres, moi le petit apnéiste arrivé là à cause de la chasse sous-marine et de quelques personnes qui se sont obstinées à me faire progresser.
Mais bon, tant qu'à être au bal, autant danser ! j'ai donc choisi de partir quelques jours avant l'épreuve officielle, qui a eu lieu le 14 septembre, pour faire quelques plongées d'entraînement dans le cadre d'une pré-compétition organisée avant le Championnat. En fait cette compétition était surtout l'occasion pour les élites de se jauger mutuellement (la concurrence n'empêche pas l'amitié), et pourquoi pas de faire une plongée très profonde, quitte à enlever quelques mètres pour assurer lors des championnats.
Ambiance : rendez-vous à la plage, embarqué dans des semi-rigides par rotations successives pour dix minutes de navigation plein large. Ancré par 150m de fond, un remorqueur modifié sert de support de plongée. 5 potences latérales portent les câbles d'échauffement, entre 25 et 45m. En poupe, trois potences de 6m portent les câbles officiels, avec des lignes officielles marquées tous les mètres (tout le monde en a entendu parler je crois, hélas). La surveillance des plongeurs en profondeur se fait grâce à un sondeur, l'assistance profonde par un contrepoids qui, une fois déclenché, remonte le câble officiel et en même temps l'apnéiste qui y est attaché par une longe. A partir de 30m, la remontée de l'athlète se fait en compagnie de trois apnéistes de sécurité, dont un (le plus profond), propulsé par un loco. Des juges internationaux d'AIDA sont là pour vérifier la régularité des conditions de performance et valider les résultats.
La première de mes plongées eut donc lieu le mardi 8, et à mon arrivée sur le remorqueur j'assiste à la sortie de Guillaume Néry, frais comme un gardon à la sortie de son nouveau record de France, à -126m à la palme. ça met dans l'ambiance ! Je n'eût que quelques minutes à attendre pour assister à la plongée de Morgan Bourc'his, améliorant son record de France à -90m en sans palme.
Pour ma part ce premier jour était destiné à faire quelques réglages de lest, car ma nouvelle combi en 1,5mm lisse dénichée par SubDadou à Bonifacio (Merci encore pour le soutien) m'a conduit à faire quelques changements par rapport à ma 3,5mm habituelle. Rien de profond sur les câbles officiels donc, juste une plongée à 33m pour se mettre dans l'ambiance. Aucun apnéiste de sécu n'a été capable de me dire quelles étaient les profondeurs des câbles d'échauffement, ce qui me surprit un peu. Et de retour à l'hôtel, j'en fais part aux autres déjà présents, et là je comprends que c'est un peu le merdier. Guillaume me raconte que le premier jour il n'a pas eu de sondeur pour une plongée à 115m, d'autres qu'ayant demandé 75m ils ont eu 68, d'autres que le câble, placé à la marque voulue, était trop long de 2m... J'en passe.
Le 9, je fais une vraie plongée, après avoir réduit mon lest, et sors de 42 un peu fatigué, pas complètement convaincu d'être bien lesté, mais content. Molchanov a annoncé 130m à la palme, et il en sort frais comme moi de 30m. Trubridge fait 97m à la brasse, je le regarde carper comme une pompe à vide et distendre sa cage thoracique de façon inhumaine. Les après-midi se suivent et se ressemblent, on promène, on nage et on boit des jus de fruits avec les célébrités de ce microcosme... et ça finit par sembler normal.
Le 10, Guillaume a annoncé une tentative de record du monde. Réveillé de bonne heure (étonnant pour moi), je file à l'embarquement pour lui faire une bise d'encouragement. Je pars promener en ville, et de retour vers l'embarquement j'apprends la terrible nouvelle, choqué mais bizarrement pas surpris. Bien sûr, ça plombe un peu le moral de l'équipe, mais je me concentre sur ma plongée qui a lieu 2h plus tard, et ayant retrouvé un peu de rigueur sur mes mouvements de brasse (en nombre et en amplitude) et sur ma verticalité, je réalise ma plus belle plongée du séjour à 44m. Je sors galvanisé, j'ai vécu la plongée qu'il me fallait pour me mettre dans le bain. De retour au bord j'annonce immédiatement 47m pour le surlendemain. On essaie de passer du temps ensemble, d'être avec Guillaume, et de se remettre dans le bain.
Le 11, cérémonie officielle d'ouverture, et day off sous l'eau. L'équipe de France est au complet, on retrouve les copains, et la Bandera Corsa flotte à Chypre.
Le 12, je suis à fond, comme tout le monde. Mon frère est venu pour me soutenir, et assiste pour la première fois à une de mes plongées. Aux alentours de 40m, j'ai une compensation un peu difficile, ce qui me surprend un peu voire m'inquiète. Je récupère tout de même le "tag" à 47 et entame la remontée. A 30m, j'ai les yeux fermés, et entends le loco du sécu. A 20m, je trouve ça long, trop long. J'ouvre les yeux, et demande d'un signe au sécu en face de moi de me remonter. Rien. 2ème signe. Rien. Le sécu en loco, qui a vu la scène, revient se placer entre moi et son collègue, me saisit et me remonte. Trop tard, les méfaits de la gamberge au fond, et de l'énervement face à ce mec qui est resté sans intervenir, me valent une sale syncope et un petit lung squeeze avec. Je me donne donc un jour off le lendemain, et demande à voir le médecin pour être sûr de pouvoir plonger le 14. Feu vert médical, je fais donc une annonce qui me semble très raisonnable à 42m. Tant pis, c'est une grande déception, due à l'incompréhension de ma syncope, et au fatalisme de devoir se contenter d'une profondeur peu engagée.
Le jour est arrivé pour nous, les sans-palme. Je prends des nouvelles des autres. Morgan échoue à 90m, profondeur trop ambitieuse compte tenu des évènements des jours derniers. Trubridge fait une syncope en remontant de 97, et Molchanov peut cueillir son titre de champion du monde avec "seulement" 85m. ça marche bien pour les autres français, Dubern sort dans la difficulté mais assure à 68m, ce qui lui vaut une 6ème place. A mon tour, je suis confiant, quoiqu'un bon peu stressé. Ces deux jours, j'ai somatisé, sentant des douleurs partout, me nouant le ventre, moi qui n'ai jamais stressé, ni pour mes examens de fac, ni pour le sport, ni pour l'argent, ni pour rien en fait. La descente était parfaite : 9 brasses, une bonne glisse, une belle verticalité, et une arrivée sereine au plomb. Le tag dans la cagoule, je repars, confiant. A 30m, le loco me sort de ma concentration mécanique. A 20m, la thermocline me rappelle qu'il en reste un peu à faire, même si les derniers mètres sont censés êtres plus tranquilles. Le temps m'a paru infini entre l'arrivée du loco et celle de la thermocline, et du coup ça va être dur. Après trois mouvements de brasse supplémentaires, je me rends à l'évidence, je n'y arriverai pas. Ma requête d'assistance est cette fois immédiatement prise en compte, annulant de fait mon résultat. J'en sors secoué, et très énervé. La syncope de l'avant-veille, la pression de la compétition et un entraînement un peu léger ont eu raison de moi.
La journée du lendemain est consacrée à la digestion de cette épreuve. Je me remets un peu en selle le 16, pour supporter les compétiteurs qui sont à la palme. Et le temps est venu de rentrer chez moi.
La tête pleine de souvenirs, la félicité d'avoir vécu cette expérience, la proximité avec les titans, et tout à la fois l'incompréhension de ma réaction, la déception de ne savoir se maîtriser, moi qui avait l'habitude de me contrôler assez aisément, et la déception accompagnée des inévitables questions sur l'opportunité de s'y intéresser à nouveau...
Mais quand même, merci la vie, et merci la mer pour m'avoir donné l'opportunité d'y être.
Ma persévérance en compétitions nationales m'a donc valu d'être sélectionné par AIDA France en équipe nationale, dans la discipline du poids constant sans palme (pour que ce soit bien clair : descente et remontée à la brasse, sans équipement ni traction au câble officiel, avec un lest identique à la montée et à la descente). Aussi hallucinant que cela puisse paraître, le record du monde de la discipline, détenu par William Trubridge, est à ce jour de -101m... Autant dire qu'avec ma perf' qualificative de -45m, je n'y allais pas vraiment pour jouer les têtes d'affiche. Qu'importe, la joie d'avoir été choisi pour y participer, même à mes frais, vaut bien toutes les médailles et tous les titres, moi le petit apnéiste arrivé là à cause de la chasse sous-marine et de quelques personnes qui se sont obstinées à me faire progresser.
Mais bon, tant qu'à être au bal, autant danser ! j'ai donc choisi de partir quelques jours avant l'épreuve officielle, qui a eu lieu le 14 septembre, pour faire quelques plongées d'entraînement dans le cadre d'une pré-compétition organisée avant le Championnat. En fait cette compétition était surtout l'occasion pour les élites de se jauger mutuellement (la concurrence n'empêche pas l'amitié), et pourquoi pas de faire une plongée très profonde, quitte à enlever quelques mètres pour assurer lors des championnats.
Ambiance : rendez-vous à la plage, embarqué dans des semi-rigides par rotations successives pour dix minutes de navigation plein large. Ancré par 150m de fond, un remorqueur modifié sert de support de plongée. 5 potences latérales portent les câbles d'échauffement, entre 25 et 45m. En poupe, trois potences de 6m portent les câbles officiels, avec des lignes officielles marquées tous les mètres (tout le monde en a entendu parler je crois, hélas). La surveillance des plongeurs en profondeur se fait grâce à un sondeur, l'assistance profonde par un contrepoids qui, une fois déclenché, remonte le câble officiel et en même temps l'apnéiste qui y est attaché par une longe. A partir de 30m, la remontée de l'athlète se fait en compagnie de trois apnéistes de sécurité, dont un (le plus profond), propulsé par un loco. Des juges internationaux d'AIDA sont là pour vérifier la régularité des conditions de performance et valider les résultats.
La première de mes plongées eut donc lieu le mardi 8, et à mon arrivée sur le remorqueur j'assiste à la sortie de Guillaume Néry, frais comme un gardon à la sortie de son nouveau record de France, à -126m à la palme. ça met dans l'ambiance ! Je n'eût que quelques minutes à attendre pour assister à la plongée de Morgan Bourc'his, améliorant son record de France à -90m en sans palme.
Pour ma part ce premier jour était destiné à faire quelques réglages de lest, car ma nouvelle combi en 1,5mm lisse dénichée par SubDadou à Bonifacio (Merci encore pour le soutien) m'a conduit à faire quelques changements par rapport à ma 3,5mm habituelle. Rien de profond sur les câbles officiels donc, juste une plongée à 33m pour se mettre dans l'ambiance. Aucun apnéiste de sécu n'a été capable de me dire quelles étaient les profondeurs des câbles d'échauffement, ce qui me surprit un peu. Et de retour à l'hôtel, j'en fais part aux autres déjà présents, et là je comprends que c'est un peu le merdier. Guillaume me raconte que le premier jour il n'a pas eu de sondeur pour une plongée à 115m, d'autres qu'ayant demandé 75m ils ont eu 68, d'autres que le câble, placé à la marque voulue, était trop long de 2m... J'en passe.
Le 9, je fais une vraie plongée, après avoir réduit mon lest, et sors de 42 un peu fatigué, pas complètement convaincu d'être bien lesté, mais content. Molchanov a annoncé 130m à la palme, et il en sort frais comme moi de 30m. Trubridge fait 97m à la brasse, je le regarde carper comme une pompe à vide et distendre sa cage thoracique de façon inhumaine. Les après-midi se suivent et se ressemblent, on promène, on nage et on boit des jus de fruits avec les célébrités de ce microcosme... et ça finit par sembler normal.
Le 10, Guillaume a annoncé une tentative de record du monde. Réveillé de bonne heure (étonnant pour moi), je file à l'embarquement pour lui faire une bise d'encouragement. Je pars promener en ville, et de retour vers l'embarquement j'apprends la terrible nouvelle, choqué mais bizarrement pas surpris. Bien sûr, ça plombe un peu le moral de l'équipe, mais je me concentre sur ma plongée qui a lieu 2h plus tard, et ayant retrouvé un peu de rigueur sur mes mouvements de brasse (en nombre et en amplitude) et sur ma verticalité, je réalise ma plus belle plongée du séjour à 44m. Je sors galvanisé, j'ai vécu la plongée qu'il me fallait pour me mettre dans le bain. De retour au bord j'annonce immédiatement 47m pour le surlendemain. On essaie de passer du temps ensemble, d'être avec Guillaume, et de se remettre dans le bain.
Le 11, cérémonie officielle d'ouverture, et day off sous l'eau. L'équipe de France est au complet, on retrouve les copains, et la Bandera Corsa flotte à Chypre.
Le 12, je suis à fond, comme tout le monde. Mon frère est venu pour me soutenir, et assiste pour la première fois à une de mes plongées. Aux alentours de 40m, j'ai une compensation un peu difficile, ce qui me surprend un peu voire m'inquiète. Je récupère tout de même le "tag" à 47 et entame la remontée. A 30m, j'ai les yeux fermés, et entends le loco du sécu. A 20m, je trouve ça long, trop long. J'ouvre les yeux, et demande d'un signe au sécu en face de moi de me remonter. Rien. 2ème signe. Rien. Le sécu en loco, qui a vu la scène, revient se placer entre moi et son collègue, me saisit et me remonte. Trop tard, les méfaits de la gamberge au fond, et de l'énervement face à ce mec qui est resté sans intervenir, me valent une sale syncope et un petit lung squeeze avec. Je me donne donc un jour off le lendemain, et demande à voir le médecin pour être sûr de pouvoir plonger le 14. Feu vert médical, je fais donc une annonce qui me semble très raisonnable à 42m. Tant pis, c'est une grande déception, due à l'incompréhension de ma syncope, et au fatalisme de devoir se contenter d'une profondeur peu engagée.
Le jour est arrivé pour nous, les sans-palme. Je prends des nouvelles des autres. Morgan échoue à 90m, profondeur trop ambitieuse compte tenu des évènements des jours derniers. Trubridge fait une syncope en remontant de 97, et Molchanov peut cueillir son titre de champion du monde avec "seulement" 85m. ça marche bien pour les autres français, Dubern sort dans la difficulté mais assure à 68m, ce qui lui vaut une 6ème place. A mon tour, je suis confiant, quoiqu'un bon peu stressé. Ces deux jours, j'ai somatisé, sentant des douleurs partout, me nouant le ventre, moi qui n'ai jamais stressé, ni pour mes examens de fac, ni pour le sport, ni pour l'argent, ni pour rien en fait. La descente était parfaite : 9 brasses, une bonne glisse, une belle verticalité, et une arrivée sereine au plomb. Le tag dans la cagoule, je repars, confiant. A 30m, le loco me sort de ma concentration mécanique. A 20m, la thermocline me rappelle qu'il en reste un peu à faire, même si les derniers mètres sont censés êtres plus tranquilles. Le temps m'a paru infini entre l'arrivée du loco et celle de la thermocline, et du coup ça va être dur. Après trois mouvements de brasse supplémentaires, je me rends à l'évidence, je n'y arriverai pas. Ma requête d'assistance est cette fois immédiatement prise en compte, annulant de fait mon résultat. J'en sors secoué, et très énervé. La syncope de l'avant-veille, la pression de la compétition et un entraînement un peu léger ont eu raison de moi.
La journée du lendemain est consacrée à la digestion de cette épreuve. Je me remets un peu en selle le 16, pour supporter les compétiteurs qui sont à la palme. Et le temps est venu de rentrer chez moi.
La tête pleine de souvenirs, la félicité d'avoir vécu cette expérience, la proximité avec les titans, et tout à la fois l'incompréhension de ma réaction, la déception de ne savoir se maîtriser, moi qui avait l'habitude de me contrôler assez aisément, et la déception accompagnée des inévitables questions sur l'opportunité de s'y intéresser à nouveau...
Mais quand même, merci la vie, et merci la mer pour m'avoir donné l'opportunité d'y être.